Aujourd'hui, la famille Van Scherzo quittait Syran. Une petite famille de marchand bien comme il faut, le couple avait déjà quatre enfants, mais jugeant la guerre trop présente, ils préfèrent partir, pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Kaelis, par attachement personnel, était venu les aider à embarquer pour Oshor. Depuis ce matin, il débarrassait la maison et embarquait tout à bord d'un bateau de transport mis à disposition par les Rebelles. C'était la fin d'après-midi, le soleil venait mourir en brûlant l'horizon, éclairant le port d'une douce chaleur. Kaelis finissait de charger les quelques caisses de vêtements et autres babioles, ainsi que quelques rations de nourritures et d'eau. De quoi tenir jusqu'à Oshor. Il ne pouvait s'empêcher cependant de regarder l'horizon. Allait-il revenir ce soir ? Est-ce que le Navire se dessinera dans le soleil rougeoyant ? Certainement pas, et pourtant, son regard ne cessait de scruter l'horizon. Le Coeur serrait. Il avait à présent terminer sa besogne. Les Parents Van Scherzo vinrent remercier Kaelis, Madame Van Scherzo, fortement émue, enlaça même affectueusement le Rebelle. Elle était vraiment heureuse d'aller vers un futur plus sûr et heureux. Kaelis l'était tout autant pour eux. Content de voir cette petite famille partir vers Oshor. Les Parents devaient terminer encore quelques détails, ils partirent rapidement, pour partir avant la tombée de la nuit. Le Rebelle s'assit sur le bord du quai, les pieds balançant dans le vide, s'appuyant en arrière sur ses mains. Il regardait encore l'horizon. "Quand reviendras-tu ... ?" Il avait envie de noyer sa peine, tout simplement pleurer. Mais à présent, il n'en pleurait plus, ses larmes n'ont fait que couler depuis son départ. Mais la douleur persistait, plus violente et difficile que jamais. Il posa machinalement sa main contre son Coeur, le sentant battre à un rythme ralenti. Dans sa tête, il résonnait une douce mélodie. Une Mélopée triste et mélancolique. Où les Rêves et Espoirs prenaient forme. Il poussa un long soupir, l'Amour qu'il ressentait pour Erwann n'avait de cesse de le torturer. Et chaque jour apportait son lot de peine, tous les jours. Son regard se perdait lentement au loin, en même temps que son esprit se dérobait, il souhaitait juste oublier la peine, pas Erwann. Il voulait juste avoir la force de supporter l'éloignement. La force d'attendre. Soudain une petite main glacée se posa sur le bras nu de Kaelis, il sursauta et tourna la tête. C'était le plus jeune des fils Van Scherzo. C'était un petit bonhomme de 7 ans, mais il était déjà très mature et intelligent pour son âge. Kaelis reprit ses esprits et adressa un sourire affectueux au garçon. Ce dernier le fixait avec des yeux froids, et terriblement tristes. Kaelis frissonna, n'osant pas parler, ce regard, il le pétrifiait complètement. Il déglutit puis il se lança à briser le silence qui s'était instauré.

- Eh Yvan ! Qu'est ce que tu fais là mon Bonhomme ? T-Tu ... Tu n'attends pas tes parents dans le bateau ? Ils vont bientôt arriver, tu verras c'est vraim... !

- Dites Monsieur Maëlyo, Pourquoi vous pleurez ... ?

Kaelis resta stupéfié, il venait de se faire couper la parole par le petit garçon, mais ce n'était pas ça qui était choquant : c'était plutôt ce ton froid et triste, à l'image de son regard, et cette phrase qui n'avait aucun sens. Il ne pleurait pas, il n'avait pas pleuré depuis quelques jours. Qu'est ce que cela voulait dire ? Kaelis resta figé sur le gamin, le regard troublé. Un nouveau frisson s'empara du Rebelle, il déglutit de nouveau, et d'une voix tremblante, il releva la discussion.

- M-Mais ... Qu'est ce que tu dis Yvan ? Je ne pleure pas ... Ne dis pas n'imp... !

- Vous mentez ... Vous pleurez énormément, vous dégagez tellement de peine ... Comment faites-vous ... Pour supporter ça ... Seul ... ?

Kaelis resta choqué, il ne comprenait vraiment pas ce qu'il disait. Et son regard s'ébranla de nouveau lorsqu'il vit des larmes coulées sur la joue du gamin. Mais qu'est ce qu'il voyait ? Pourquoi se mettait-il dans des états pareils pour des choses qui n'avaient pas lieu d'être ? Soudain, un détail revint au Rebelle. Yvan avait un pouvoir d'Empathie, très développé, il pouvait voir l'aura des gens, et ressentir leurs émotions. Le regard de Kaelis s'adoucit, un triste sourire s'affichant sur son visage. Il rapprocha le garçon de lui, passa son bras derrière ses épaules, et il l'étreignit tendrement contre lui, sur son flanc. Il ferma les yeux, et deux larmes perlèrent le long de ses joues. Il avait raison, au fond, il pleurait. Il se tordait de douleur, le coeur éclaté, la raison parti en fumée. Comment faisait-il pour supporter ça seul ? Il ne le savait pas, au fond il ne le supportait pas, il pleurait souvent. Il avait mal, et il n'arrivait pas à gérer cette douleur. Cette plaie si profonde, si vive. Elle brûlait son coeur, son âme meurtrie. Il caressa la petite tête brune d'Yvan. Ce garçon. Il a dû en ressentir de la peine. Il a dû en voir des Âmes en peine. Et pourtant, il s'attardait sur celle de Kaelis, pleurant même pour son salut et son repos. Pleurant devant la tristesse du Rebelle. Kaelis en était touché. Le vent marin soufflait tendrement sur les deux personnages. Le soleil s'enfonçait de plus en plus derrière l'horizon, baignant le port de sa douce lumière orangée. Il l'attendait encore, il espérait entendre sa voix, elle résonnait encore dans sa tête. Il espérait sentir sa peau, chaude et douce, contre la sienne. Il attendait de croiser son regard de nouveau, d'échanger ces sentiments si forts qui les unissaient. Mais pour tout ça, pour vivre son Amour, il fallait attendre. Peut être un mois, peut être un an, ou peut être encore une vie ... Mais il regardera souvent l'horizon, dans l'espoir de le voir apparaitre. Il lui a promis, et Kaelis tient toujours ses promesses. Même les plus absurdes.


" Tu m'as promis de revenir, j'ai promis de t'attendre ...
C'est drôle, en ce moment même, tu vois le même ciel que moi
Rien que d'y penser j'en frissonne
Pourtant tu es si loin
Est-ce que tu penses à moi ?
Moi je pense tout le temps à toi !
Mais ça me fait si mal pourtant ...
Reviens vite, je t'en prie, chaque jour est une épreuve
Et rien n'arrive à tarir ma peine
Je t'aime tellement, le ressens-tu à travers l'Océan ?
Entends-tu donc mes soupirs plaintifs et mes pleurs ?
Dis moi que tu me sens encore, que tu penses à moi
Envoie moi un signe, montre moi que tu existes encore
Prouve moi que tu n'étais pas qu'un Rêve ... "

-------------------------------------------------------
Kaelis Maëlyo : 1 (+65 = 66)
-------------------------------------------------------